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France - Le mystérieux charnier du puits d’Entrains-sur-Nohain

En septembre 2013, des archéologues ont achevé plusieurs mois de recherche dans la ville d'Entrains-sur-Nohain en Bourgogne dans le cadre d'un aménagement privé. Au cours de ces fouilles de routine d'un site gallo-romain, ils ne s'attendaient pas à trouver les restes d'un charnier; témoignage du massacre de la population civile il y a plus de 1000 ans.

Cette zone se situait au nord-ouest du territoire des Eduens (peuple gaulois qui occupait l'actuelle Bourgogne), au carrefour d'un important réseau routier romain, et était connue comme étant une partie de l'ancienne ville romaine d'Intaranum (Entrains-sur-Nohain) qui s'est développée pendant les 4 premiers siècles de notre ère. À son apogée, la ville s'étendra sur 120 hectares.

Le travail archéologique a révélé des forges, un tronçon de voie romaine et une série de maisons en pierre. Les citoyens aisés possédaient de véritables petits thermes privés à l'arrière de leurs propriétés, équipés de piscines chaudes et froides, de chambres et de puits pour fournir de l'eau. Lors de l'achèvement des fouilles, les archéologues ont exploré deux de ces puits qui ont nécessité une équipe de fouille spéciale pour noter le remplissage dans les moindres détails et dans les conditions les plus sécurisées.

 

Une découverte macabre

France - Le mystérieux charnier d'Entrains-sur-Nohain - Photo: Stephanie Hollocou/Captair -InrapDans le petit espace de 1,30m de diamètre, les archéologues ont exhumé des squelettes humains à une profondeur de plus de 4m. Les ossements mis au jour et enregistrés se trouvaient dans une couche de boue et de restes humains de plus de 3m d'épaisseur.

"Les corps nus ont été jetés là encore frais, car nous avons retrouvé des cervicales encore connectées au crâne", indique Stéphane Venault, responsable de la fouille. Ce qui signifie qu’il ne s’agissait pas de la vidange d’un cimetière, comme cela aurait d’abord pu être supposé.

Ce charnier se compose de 20 à 30 corps des deux sexes et de tous âges ce qui montre qu'il s'agit des restes d'une population civile.

 

 

Un relevé photogrammétrique

Les corps ont-ils été jetés là en une seule fois ? La question se pose, car la fouille a révélé deux niveaux d’accumulation d’os plus petits, qui ont tendance à migrer vers le bas lors de la décomposition des cadavres. Mais peut-être le nombre de ceux-ci a-t-il retardé la dégradation des corps tombés les premiers.

La fouille, très particulière dans ce boyau vertical, profond de 14 mètres, a mobilisé des moyens techniques inédits: chaque couche de cadavres a fait l’objet d’un relevé photogrammétrique haute résolution. La société Captair, qui utilise généralement des drones pour proposer des modèles 3D des sites de fouilles grâce à des algorithmes développés par l’IGN, a, cette fois, tourné ses appareils photo vers des ossements. Les archéologues vont ainsi pouvoir étudier sur ordinateur chaque ossement en connexion avec ses voisins, pour tenter d’en tirer des informations sur la formation du charnier.

Une première datation au carbone 14 laisse la porte ouverte aux interprétations les plus diverses, puisque les trois dates proposées pour ces ossements courent du VIIème au Xème siècle.

 

Des temps troublés

Une première hypothèse voudrait que le village ait été victime d’exactions à l’époque de la bataille de Fontenoy-en-Puisaye (département de l'Yonne, le 25 Juin 841). Charles le Chauve, dans cette guerre qui l'opposait à Louis le Pieux ou Lothaire, le successeur légitime, et Louis le Germanique, établit son camp à seulement 25 km au nord d'Entrains et les chroniques de l'époque rapporte que des dizaines de milliers de combattants sont tombés sur le champ de bataille. 

Une deuxième hypothèse se réfère aux incursions répétées des Vikings dans la région au cours des dernières décennies du IXème siècle, comme en attestent les chroniques. Entrains n’est qu’à 30km de la Loire. Mais le brigandage n’est pas non plus à exclure.

Une dernière hypothèse est  celle de l’épidémie. "La peste peut tuer tout un village en deux jours", indique Mark Guillon, anthropologue à l’Inrap. "Le choléra est, lui, moins fulgurant. Mais, dans les deux cas, on s’attendrait à une condamnation sanitaire du puits par de la chaux, ce qui n’a pas été observé." 

Le plus simple serait de retrouver des traces de traumatisme sur les os. "Il faudra veiller à bien distinguer les fractures qui peuvent être consécutives à une chute de plusieurs mètres dans le puits et celles dues à des coups", prévient Mark Guillon.

 

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