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Norvège - Une femme et son chien découverts dans un bateau-tombe de l'Âge Viking

En mai 2025, un bateau-tombe de l'époque viking a été mis au jour par les archéologues sur l'île de Senja, près du garage d'un particulier. À seulement 30 centimètres de profondeur dans le sol reposaient, depuis 1000 ans, les squelettes d'une femme et de son chien.

"Lorsque nous avons commencé à retirer la couche supérieure du sol, nous avons constaté qu'une bande noire en forme de bateau était visible dans le sable. Nous avons alors compris qu'il s'agissait d'un bateau-tombe", rapporte Anja Roth Niemi, chercheuse et responsable du département Archéologie au Musée universitaire de Tromsø (Norges arktiske universitetsmuseum).

Bien que le bateau se soit mal conservé, les archéologues ont pu déterminer qu'il mesurait environ 5,4 mètres de long. La défunte a été "déposée au milieu avec beaucoup de soin", la tête tournée vers le nord. 

Et à ses pieds gisait un petit chien. "Nous ne savons pas encore avec certitude s'il s'agissait d'un animal de compagnie ou s'il avait une fonction utilitaire. Mais il est possible d'imaginer qu'il s'agissait d'un animal qui avait une signification pour cette personne de son vivant", a annoncé Niemi.

 

Du début du Xème siècle

La sépulture aurait pu disparaître sans l'heureux concours de circonstances qui mena à sa découverte.

En 2023, Stig Rune Johannessen et Nils Arne Solvold arpentaient un champ à Sand avec leur détecteur de métaux quand ils trouvèrent chacun une broche tortue et des fragments d'os signalant, selon toute vraisemblance, la présence d'une tombe. 

C'est la raison pour laquelle le propriétaire du terrain, qui avait prévu d'agrandir son garage à proximité du site de la découverte, dût temporairement suspendre son projet. "Les travaux risquaient d’atteindre la zone de sécurité du site de découverte", a indiqué Anja Roth Niemi, d'autant plus que la datation des broches, entre 900 et 950 de notre ère, a montré qu'il s'agissait d'une tombe très ancienne, et donc automatiquement protégée.

 

L'intérêt des tombes plates

Lorsqu'il a été estimé que le projet du propriétaire du terrain ne pouvait être réalisé sans endommager le site, des archéologues du Musée universitaire de Tromsø ont été chargés de procéder à des fouilles prises en charge par l'État. 

Les fouilles ont eu lieu en mai 2025. À la surprise des archéologues, il s'est avéré qu'il s'agissait d'une bateau-tombe, un type de sépultures très répandues entre 600 et 1000 de notre ère. Quelques-unes ont été mises au jour dans le Nordland et le Troms, mais celle-ci est la première sur l'île de Senja.  

Située à seulement 20 à 30 centimètres sous terre, la sépulture se présente sous la forme d'une tombe plate, ce qui signifie probablement qu'aucun tumulus n'a été édifié au-dessus - une particularité qui rend cette découverte encore plus exceptionnelle. "Les tombes plates sont particulièrement intéressantes, car elles n'attirent pas l'attention, étant invisibles à la surface. Elles sont donc restées relativement intactes au moment de leur découverte", souligne l'archéologue.

 

Assemblé avec des clous en bois et des tendons d'animaux

Le bateau est mal conservé, la majeure partie du bois étant complètement décomposée. Les contours sont encore clairement visibles, sous forme de marques sombres dans le sous-sol clair.

Les archéologues estiment que le bateau mesurait environ 5,4 mètres de long. Il s'agissait probablement d'une embarcation à rames utilisée pour la pêche côtière, le transport et les voyages. Aucun rivet en fer n'a cependant été retrouvé, ce qui signifie qu'il a plutôt été assemblé à l'aide de clous en bois et de tendons d'animaux.

Il était jusqu'à présent très rare de découvrir ce type de bateau dans le nord de la Norvège, mais ces dernières décennies, plusieurs d'entre eux ont été trouvés dans des tombes de l'Âge du Fer de la région. Anja Roth Niemi attribue cette augmentation des découvertes à l'évolution des techniques de fouilles.

"Étaient-ils aussi courants que les bateaux à clin?, s'interroge-t-elle, avant de préciser: "Tout récemment, deux bateaux de ce type ont été mis au jour à Hillesøy, à quelques kilomètres au nord de Sand. Un homme et une femme y étaient enterrés, chacun dans leur propre bateau, séparés de plusieurs générations".

 

Une femme importante

Le défunt a été déposé approximativement au milieu du bateau, la tête tournée vers le nord. Bien que son squelette soit plutôt mal conservé, les archéologues supposent qu'il s'agit d'une femme car les broches trouvées par les détectoristes sont des ornements vestimentaires typiques des tombes féminines nordiques.

Le matériel funéraire comprend une faucille en fer, une pierre à aiguiser en ardoise, un anneau en métal orné de deux perles de bronze, peut-être attaché à une coiffe, à un cheveu ou à une oreille, deux perles en forme de disque qui pourraient être en ambre, une fusaïole et ce qui ressemble à une épée de tissage en fanons de baleine. À cela s'ajoutent quelques objets en fer qui n'ont pas encore été identifiés.

La faucille et la pierre à aiguiser renvoient aux travaux agricoles tels que la récolte de diverses cultures, tandis que le rouet et l'épée à tisser font référence aux activités de filage et au tissage.

"Les outils textiles présents dans les tombes féminines sont souvent considérés comme un indicateur du statut élevé de la personne inhumée. À la fin de l'âge du Fer, c'était la maîtresse de maison qui supervisait la fabrication des tissus. Cela représentait un travail considérable; elle devait fabriquer des tissus pour les vêtements, les couvertures et bien d'autres choses encore, comme les voiles pour les bateaux. Il était probablement important qu'elle puisse également fournir des textiles de haute qualité. Non seulement de beaux vêtements, mais aussi de magnifiques tapisseries, exposées lors de banquets ou autres événements, qui soulignaient le statut de l'hôte", explique la responsable des fouilles.

"Le fait qu’elle ait été enterrée dans un bateau, l’emplacement de la tombe et le mobilier funéraire montrent qu’il s’agit d’une femme de grande importance", poursuit-elle.

 

Un chien de race inconnue

Norvège - Le petit chien découvert dans un bateau-tombe de l'Âge Viking sur l'Île de Senja - Photo Musée universitaire de TromsøLa femme n'était pas seule dans la tombe; un petit chien a été soigneusement déposé à ses pieds. Les archéologues ignorent encore de quelle race il s'agissait, mais avec les chevaux, ce sont les animaux les plus fréquemment retrouvés dans les tombes de la fin de l'âge du Fer et du début de l'Âge Viking.

"Les chevaux sont souvent retrouvés en plusieurs parties, probablement offert en sacrifice, tandis que les chiens sont généralement enterrés entiers. Cela suggère probablement que les chiens et les humains entretenaient une étroite et affectueuse relation il y a déjà plus de mille ans", avance Anja Roth Niemi.   

Ce chien était peut-être un animal de compagnie, mais il a pu aussi avoir d'autres fonctions. en tant que chien de chasse ou chien de garde.

À plusieurs reprises, Stig Rune Johannessen a contribué à repérer des tombes avec son détecteur de métaux, mais c'est la première fois qu'il assistait à la fouille de l'une d'entre elles - une expérience qu'il qualifie volontiers "pour le moins d'étrange".

"C'est toujours un sentiment particulier d'entrer aussi étroitement en contact avec ceux qui nous ont précédés. C'est une expérience très intime, d'une certaine manière", confirme Anja Roth Niemi.

Bien que le squelette soit en mauvais état, la chercheuse espère pouvoir en tirer de nombreuses informations. "Nous pouvons confirmer son sexe et son âge, en apprendre davantage sur sa santé et ses conditions de vie. Un squelette comme celui-ci est une mine d'informations, à condition qu'il soit bien conservé", avance-t-elle avec prudence.

 

D'importants résultats à venir

Pour éviter tout dommage, la plupart des objets mis au jour ont été récupérés avec de la terre autour. Ils vont maintenant être soigneusement nettoyés en laboratoire dans des conditions contrôlées. Ce n'est qu'une fois le matériau stabilisé qu'il sera possible d'étudier en détail les artefacts et les deux squelettes.

Celui  de la femme sera examiné afin de déterminer son âge, son état de santé, ses éventuelles blessures, son régime alimentaire et d'autres éléments permettant de mieux comprendre son identité et ses conditions de vie. Quant au chien, des spécialistes des ossements animaux tenteront de savoir de quelle race il était et de quelle façon il est mort. Enfin, l'analyses des restants de bois pourrait fournir des informations plus précises sur la date de l'enterrement et de la construction du bateau.  

"Les découvertes des fouilles apportent des connaissances précieuses sur les coutumes funéraires d'autrefois et sur les hommes et les animaux qui vivaient dans cette région à l'époque viking. Le ministère norvégien du Patrimoine culturel considère cette découverte comme d'une grande valeur historico-culturelle", a déclaré Isa Trøim, cheffe de service du patrimoine culturel archéologique au ministère norvégien du Patrimoine culturel.

"Nous espérons que cette découverte apportera des informations nouvelles et passionnantes sur la société viking de Senja, mais qu'elle sera également importante pour approfondir les connaissances sur la préhistoire de notre région. Un travail de longue haleine nous attend, mais nous sommes impatients de présenter les résultats dès qu'ils seront prêts", confie Anja Roth Niemi.

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