IDAVOLL

Norvège - Une pièce d'or byzantine rarissime découverte dans le centre du pays

La pièce d'or millénaire découverte cet automne dans le landskap de Valdres, à Vestre Slidre, est exceptionnelle. D'origine byzantine, les chercheurs s'interrogent: faisait-elle partie des trésors rapportés par Harald Hardrada de Constantinople?

C'est un amateur de détection de métaux qui l'a trouvée l'automne dernier dans les montagnes de la commune de Vestre Slidre, alors qu'il arpentait les terres d'une ferme appartenant à des amis.

"Elle est très bien conservée. L'or se conserve très longtemps", a déclaré May-Tove Smiseth, archéologue du comté d'Innlandet.

 

Unique dans le contexte norvégien

La découverte est si incroyable que May-Tove Smiseth n'a pas cru le détectoriste lorsqu'il l'a contactée. "Qu'il ait trouvé une pièce d'or par hasard lors d'une sortie en montagne est complètement surréaliste. C'est inhabituel, exceptionnel même", a-t-elle confiée.

Lorsque la pièce de monnaie a été remise au Conseil du comté d'Innlandet pour un examen approfondi, il lui a poutant fallu se rendre à l'évidence: "D'après ce que nous savons, c'est la seule de ce genre en Norvège", a-t-elle précisé.

Il s'agit d'un authentique nomisma. Le terme nomisma désigne un type de monnaie en or héritière du solidus romain, introduite à Byzance vers 960 de notre ère et frappée dans l'empire byzantin (également appelé "Empire romain d’Orient") jusqu'à la réforme monétaire d'Alexis Ier Comnène en 1092. Son nom se trouve notamment à l'origine des mots "numismate" ou "numismatique". 

 

Norvège -  Les empereurs byzantins Basile II et Constantin VIII sur le nomisma découvert à Vestre Slidre - Photo: Martine Kaspersen/ Conseil du comté d'InnlandetUn nomisma histaménon

Sur le revers de la pièce figure le Christ tenant la Bible et une inscription en latin: "Jésus-Christ, roi des rois".

Sur l'avers sont représentés les émetteurs de cette monnaie, Basile II (à gauche) et Constantin VIII (à droite), deux frères qui régnèrent ensemble sur l’Empire byzantin. Ces effigies sont également accompagnées d'une inscription en grec: " Basile et Constantin, empereurs des Romains".

Enfin, d'après la triple bordure en pointillés visible sur le pourtour de la pièce, cette monnaie a sans doute été fabriquée à Constantinople-même (Istanbul de nos jours), à la fin de la co-régence, entre 977 et 1025 de notre ère.

 

De la fortune d'Harald Hardråde

À ce stade, les archéologues ne peuvent émettre que des spéculations sur la façon dont la pièce d'or s’est retrouvée dans l'Innlandet. Faisait-elle partie de la rétribution rapportée par Harald Hardråde (1015/1016 -1066) à son retour en Norvège, à la fin de son service dans l'Empire byzantin débuté en 1034?

Harald l'Impitoyable, également appelé "l'Éclair du Nord", "le dernier des Vikings" ou encore dans les sources byzantines plus anciennes "Araltes", était le chef de la garde varangienne à Constantinople. Or, il était d'usage à cette époque que les gardes aient le droit, à la mort de l'empereur, de piller le palais et de prendre tous les objets de valeur qu'ils pouvaient trouver.

Durant le séjour d'Harald, pas moins de trois empereurs passèrent de vie à trépas.

D'après les sagas, Harald et ses hommes seraient rentrés en Norvège en 1046 avec d'énormes richesses, des navires chargés d'or et autres objets de valeur. Cette fortune qu'il avait amassée servit notamment à financer son accession au trône de Norvège -qu'il partagea, à l'instar de Basile II et Constantin VIII, avec Magnus le Bon (mort peu de temps après) - mais aussi à obtenir de Iaroslav Ier, grand prince de la Rus' de Kiev, la main de sa fille, Ellisiv (Élisabeth de Kiev). Les princes de Kiev avaient des liens familiaux avec les empereurs byzantins puisque Basile II, représenté sur l'histaménon, était le grand oncle de la future reine de Norvège.

 

La 16ème pièce byzantine de Norvège

Bien que tout cela semble incroyable, il n'est pas irréaliste d'envisager, selon May-Tove Smiseth, que le nomisma de Vestre Slidre puisse provenir du trésor d'Harald.

L'archéologue en veut pour preuve une étude sur les pièces de monnaie byzantines dans les pays nordiques qui indique que 3 d'entre elles ont été trouvées en Suède, aucune au Danemark, tandis que 15 ont été mises au jour en Norvège - la plupart étant issues de diverses découvertes de trésors faites au XIXème siècle. 

"Il est raisonnable de penser qu'elle pourrait provenir des trésors rapportés par Harald Hardråde. Il avait reçu en guise de salaire beaucoup d'or des trois empereurs de Byzance qui régnaient à l'époque où il y était", explique l'archéologue avant de poursuivre: "Il a acquis beaucoup de pouvoir grâce à l'or qu'il possédait, en se servant de cette richesse pour construire des alliances."

 

Égarée par un commerçant?

Valdres faisait partie du diocèse de Bjørgvin jusqu'en 1125, où l'une des voies de circulation les plus anciennes s'appelle Bispevegen. Il n'est pas impossible que la pièce ait été perdue par un membre du clergé au cours de son voyage.

D'anciennes routes commerciales traversaient le landskap de Valdres reliant l'est et l'ouest. Par ces voies transitaient le sel et le hareng de l'ouest, les lingots de fer, les peaux de renne et les bois de cerf de l'est.

Il est donc également possible qu'un marchand ait par malchance égaré ce nomisma lors d'un voyage commercial.

 

Une hypothèse à nuancer

Svein Harald Gullbekk, professeur au Musée d'Histoire culturelle d'Oslo, est un expert, entre autres, des monnaies anciennes. Il confirme que les pièces byzantines sont des découvertes très rares en Norvège, même si l'on en trouve occasionnellement.

"C'est aussi une découverte très intéressante, et la raison en est qu'il ne s'agit pas de n'importe quel objet. Nous pouvons la dater, nous savons d'où elle vient, nous pouvons la situer dans l'histoire norvégienne avec une datation assez précise. C'est donc une trouvaille très spéciale et formidable", a-t-il souligné.

Il émet quelques réserves, cependant, au sujet d'Harald Hardråde au regard des nombreux guerriers scandinaves ayant servi dans la garde varangienne. "En même temps, il ne semble pas qu'elle ait été en circulation depuis tant d'années, donc il est peut-être exagéré de penser qu'elle est arrivée avec Harald lors de son retour chez luiIl n'a pas été le seul Scandinave à être allé là-bas et à rentrer chez lui. Mais c’est lui qui est mentionné dans les sources écrites sur la même période".

 

Le site sera étudié en 2024

Le découvreur a choisi de rester anonyme et pour l'instant, l'emplacement du site est tenu secret.

En effet, la découverte de la pièce a eu lieu si tard dans la saison que les archéologues n'ont pas eu le temps de lancer des recherches sur place. 

Toutefois, le Conseil du comté a d'ores et déjà annoncé que des investigations plus approfondies se dérouleront dès le printemps 2024.

viking archéologie Norvège pièce de monnaie or Harald Hardrada Constantinople empire byzantin garde varangienne

  • 1 vote. Moyenne 5 sur 5.

Ajouter un commentaire