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Îles Féroé - À la recherche des premiers colons, plusieurs siècles avant l'arrivée des Vikings

L'histoire des îles Féroé ne commence peut-être pas avec les Vikings. Ce n'est pas un grain de sable mais la découverte de grains d'orge carbonisés sur l'île de Sandoy qui pourrait bouleverser le récit national et, au-delà, la chronique de l'expansion scandinave en Atlantique Nord.

Il existe un large consensus sur le fait que les premiers colons des îles Féroé étaient des Vikings qui ont navigué vers le nord-ouest depuis la Norvège au IXème siècle. Les habitants de l'archipel ont même pour coutume de raconter, non sans humour, que les premiers Féroïens étaient des Vikings en route vers l'Islande qui ont eu le mal de mer.

Pourtant, les historiens et archéologues sont perplexes. Si les grains d'orge carbonisés trouvés dans une couche de cendres de tourbe à Sandoy -l'une des îles les plus au sud des îles Féroé et la cinquième de l'archipel par sa superficie- constituent une preuve indiscutable de la présence d'un établissement humain à petite échelle, leur datation entre le IVème et le VIème siècle de notre ère suggère quant à elle une colonisation précoce, 300 à 500 ans avant l'apparition des colons vikings.

De nouvelles fouilles du site d'Á Sondum tentent de déterminer la nature, l'ampleur et la chronologie de la colonisation du pays. "Un seul grain d'orge peut être passionnant, mais il ne suffit pas à changer l'histoire. Il pourrait avoir été rejeté sur le rivage depuis un autre endroitCe que nous recherchons, c'est quelque chose de plus tangible. Une structure. Une couche de débris. Des traces de personnes ayant vécu ici", a déclaré Søren Sindbæk, archéologue et vice-doyen de l'Université d'Aarhus.

 

Une ferme viking le long d'une plage

Îles Féroé - Fouilles de la ferme viking d'Á Sondum, à la recherche de traces laissées par les premiers colons - Photo: Søren SindbækLes fouilles sont menées conjointement par des archéologues danois et féroïens, avec l'aide de 14 étudiants en Archéologie de l'Université d'Aarhus et du Musée Moesgaard, sur le site d'une ancienne ferme de l'époque viking à Á Sondum, rattaché au village de Sandur.

Les vestiges de la maison longue se trouvent dans un environnement assez singulier pour l'archipel: le long d'une plage de sable - lieu qui contraste fortement avec les spectaculaires côtes rocheuses caractéristiques des Îles Féroé. Selon Søren Sindbæk, il ne fait aucun doute que cette plage constituait "le meilleur endroit pour débarquer" il y a plus de 1000 ans.

S'il s'avère que des gens  se sont réellement installés ici plusieurs centaines d'années avant les Vikings, poursuit-il, cela ne changera pas que l'histoire des îles Féroé, mais également toute l'histoire de la connexion de la Scandinavie au reste de l'Atlantique Nord. 

"Ce n'est pas seulement une question locale. Il s'agit de savoir quand les Scandinaves ont commencé à maîtriser la haute mer", souligne l'archéologue, qui étudie les déplacements des Vikings depuis plus de deux décennies.

 

La piste des moines irlandais

Les vestiges archéologiques de plus de 3 mètres de profondeur ont été révélés par l'érosion côtière sur plusieurs décennies, allant jusqu'à faire disparaître une partie des fondations de pierre de la maison longue.

La montée du niveau de la mer et les tempêtes plus violentes causées par le réchauffement climatique sont à l'origine de l'érosion de la côte qui menace désormais de détruire toute trace de vestiges du passé. "Nous espérons avant tout sauver les monuments anciens qui se trouvent ici avant qu'ils ne disparaissent dans la mer", confirme Helgi Michelsen, archéologue au Musée national des Îles Féroé, qui participe également aux fouilles.

L'idée que les Féroé aient été habitées avant les Vikings n'est pas entièrement nouvelle, rappelle-t-il. Elle a prospéré tant dans les milieux archéologiques que dans la tradition populaire féroïenne.

"Dans les écoles féroïennes, on apprend l'histoire de l'érudit irlandais Dicuil qui, en 825, a écrit au sujet de certaines îles au nord de l'Écosse, auparavant habitées par des moines, mais désormais occupées par des 'pirates', probablement des Vikings. C'est une histoire que beaucoup de Féroïens connaissent. Le problème, c'est que nous n'avons jamais eu de preuve matérielle de la présence des moines irlandais ici – seulement les écrits de Dicuil", précise Helgi Michelsen.

 

Un avant et un après

Søren Munch Kristiansen, professeur associé de Géosciences à l'Université d'Aarhus, est en quête de minuscules traces venues d'ailleurs telles que des colorants ou des épices que les colons auraient apportés sur l'île. Leur examen au niveau moléculaire peut révéler une présence humaine même en l'absence de bâtiments, d'artefacts, de fosses ou autres.  

Grâce aux échantillons qu'il va étudier dans son laboratoire et aux techniques d'analyses avancées qu'il utilise, il espère découvrir des marqueurs chimiques totalement nouveaux, susceptibles de fournir une image beaucoup plus détaillée que les méthodes classiques appliquées à de la céramique ou des grains de céréales carbonisés.

La colonisation quelque peu tardive fait des îles Féroé un terrain idéal pour tester cette nouvelle approche, car il y a un avant et un après en raison de l'arrivée relativement récente des hommes dans l'archipel.

 

Des oiseaux migrateurs

Il n'est pas impossible, pour Søren Sindbæk, que des gens se soient installés aux îles Féroé encore plus tôt, voire bien plus tôt en réalité.

"Nous savons que des gens vivent sur les Orcades et les Shetland [des archipels écossais] depuis l'Âge de Pierre. Les deux archipels sont si proches des îles Féroé qu'on peut y voir des oiseaux migrer au printemps et en été. Les hommes de l'Âge de Pierre ont donc pu deviner qu'il y avait une terre quelque part. On imagine facilement que quelqu'un ait suivi les oiseaux et ainsi découvert les îles Féroé", argue-t-il.

Néanmoins, il est encore difficile à ce stade de dire quand des éléments concrets de réponses sur l'identité des premiers Féroïens émergeront. "La première étape consiste à déterminer s'il y avait quelqu'un avant les Vikings. Ensuite, il faudra découvrir qui", explique Søren Sindbæk.

Les fouilles se poursuivront en 2026.

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