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Norvège - Les églises en bois debout sont encore plus anciennes qu'on ne le pensait

Des scientifiques sont parvenus à dater avec plus de précision plusieurs églises en bois debout de Norvège. Ils ont pu déterminer qu'un certain nombre d'entre elles sont plus anciennes que les historiens ne le pensaient.

Dans le cadre du programme Stavkirke, porté par le Riksantikvaren [l'organisme gouvernemental chargé de la gestion du patrimoine culturel en Norvège], des dendrochronologues de l'Université norvégienne de Sciences et de Technologie (NTNU) ont reçu un financement afin d'étudier de plus près les églises en bois debout du pays. Les résultats sont au rendez-vous. "Maintenant, nous connaissons l'âge exact de certaines églises en bois debout", a déclaré Terje Thun, professeur associé au NTNU et l'un des plus grands experts du pays en dendrochronologie.

Éviter toute intervention sur un édifice protégé

Norvège - Les chercheurs ont pu dater avec précision plusieurs églises en bois debout grâce à la dendrophoto - Photo: Leif Anker / Gemini.noPar le passé, les chercheurs comptaient à l'aide d'une loupe les cernes de croissance du bois. Mais cette méthode initiale de datation présentait certaines limites, a rappelé le professeur. Lorsqu'il est impossible de mesurer les anneaux sur une surface ou à l'extrémité d'une planche ou d'une poutre, il faut prélever des échantillons en forant le matériau. Or, ce n'est pas toujours possible, ni souhaitable.

Ces dernières années, ils ont testé une méthode d'investigation différente et non-invasive, appelée "dendrophoto". Avec cette technique, le matériau est photographié sur place. Cela présente l'avantage de ne plus avoir à prélever d'échantillons au risque d'endommager un édifice protégé. Les scientifiques ont donc pu prendre autant de photographies des différents matériaux que nécessaire, analyser en laboratoire les anneaux de croissance des éléments en bois à partir de ces photos et obtenir finalement de plus grandes quantités de données.

L'estimation de la date de construction a, quant à elle, gagné en précision, car même les matériaux qui ne peuvent pas être forés ont, grâce à cette technique, été datés. "Ainsi, les chercheurs ont pu examiner tous les éléments de construction de certaines églises en bois debout, sans aucune intervention de leur part", a confirmé Terje Thun.

 

L'église d'Urnes, plus ancienne encore

Grâce au programme de conservation Stavkirke qui s'est achevé en 2015, les 28 églises en bois debout ont été sécurisées contre les incendies et essentiellement restaurées telles qu'elles sont de nos jours, sans aucun retour aux périodes antérieures. Terje Thun fut missionné pour étudier les nombreux échantillons provenant de ces sites, avec pour objectif de mieux cerner ce qui constitue sans doute la plus importante contribution de la Norvège à l'architecture mondiale.

Thun et son équipe ont alors procédé à des analyses plus systématiques de divers éléments de construction dans plusieurs de ces églises. "L'église en bois debout d'Urnes a été en particulier étudiée à fond, puisqu'elle est considérée comme la plus ancienne de Norvège", a précisé le professeur. Située à Luster, dans le comté de Sogn og Fjordane, l'église figure sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO.

D'après les précédentes estimations, la construction de l'édifice était datée du XIIème siècle, et sa partie la plus récente de 1129 à 1130. Mais les nouvelles analyses dendrochronologiques indiquent qu'une autre partie de l'église d'Urnes, a été bâtie en bois des années 1069 et 1070. Cette méthode, qui permet de déterminer avec précision l’année de coupe des arbres destinés à la construction, place ainsi le début du chantier en 1069. 

 

Un seul et même maître d'oeuvre?

L’église d'Urnes est intéressante à plusieurs égards, d'après le professeur. Dans les années 1950, des fouilles archéologiques avaient déjà été entreprises pour en apprendre davantage sur ce remarquable ouvrage. De nombreux livres lui ont d'ailleurs été consacrés.

"Les églises en bois debout ont également fait l'objet de recherches par le passé, mais pas de manière aussi systématique que dans le cadre du programme Stavkirke. Au fil du temps, les datations estimées d'après la technique et le style de construction, variaient sur près de cent ans. Nous sommes maintenant certains de son âge, et plusieurs de nos églises en bois debout se révèlent plus anciennes que prévu", a annoncé Thun, en accord avec ses collègues et d'autres chercheurs de Norvège et du Danemark.

En effet, les chercheurs ont aussi appliqué leur technique d'investigation aux églises en bois debout de Kaupanger et Hopperstad, ainsi qu'à certains éléments de construction des églises de Gol et Borgund. Celle d'Hopperstad s'avère comme celle d'Urnes plus ancienne (1131-1132 au lieu d'une période estimée entre 1125 et 1250) , tandis que celle de Kaupanger (1137-1138 au lieu de 1170-1200), donne à penser qu'en étant construite un peu plus tard, elle aurait pu avoir été conçue par le même maître d'oeuvre que ses aînées.

Ce travail de datation a permis de mieux appréhender les méthodes de construction de l'époque, le choix des matériaux et le type de bois dont ils disposaient selon les différentes périodes. En outre, une collaboration avec des historiens de l'architecture, des historiens de l'art, des conservateurs, des archéologues, des artisans et d'autres professionnels a révélé combien la plupart de ces églises en bois debout présentent de sérieux problèmes de conception et nécessitent beaucoup d’entretien.

 

Une observation des variations climatiques

La chercheuse Helene Løvstrand Svarva, une collègue de Terje Thun au NTNU, s'est plus particulièrement intéressée à la façon dont le climat peut être étudié, avec tout autant de précision, grâce à la dendrochronologie. "La dendroclimatologie est un domaine d'étude majeur et, en Europe du Nord, nous pouvons utiliser la réponse des arbres aux températures estivales pour mieux comprendre les variations climatiques au fil du temps", a-t-elle expliqué.

D'après elle, la chronologie des églises en bois debout couvre une période intéressante sur le plan climatique, appelée en français "l’optimum climatique médiéval". Il s'agit d'une période de climat inhabituellement chaud localisé sur les régions de l’Atlantique nord, qui a duré du Xème siècle jusqu’au XIVème siècle environ.

En comparant les températures estivales de l'époque, elle peut découvrir comment le climat a changé au cours de l'Histoire. "Les longues cernes de croissance nous permettent d'observer les variations dans le temps qui peuvent nous donner une idée de l'évolution des températures. Enfin, il est intéressant de savoir comment le climat actuel peut être considéré au regard du climat d'il y a presque mille ans", a-t-elle poursuivi. "Mais les arbres sont également affectés par des facteurs autres que la température. Nous avons donc besoin de nombreuses pièces de bois comme source. Nous avons également besoin d'anneaux de croissance provenant de nombreux endroits dans le monde pour pouvoir visualiser l'évolution de la température dans le temps et dans l'espace."

 

De la conversion au christianime

Sous l'église en bois debout d'Urnes gisent les vestiges des églises qui furent érigées là auparavant. "L'église qui se dresse aujourd'hui se trouve être en réalité la quatrième. La façade nord provient de la troisième église. Pour nous, cela montre que nos églises en bois debout sont là depuis longtemps", a signifié Ingebjørg Njøs, chargée de la gestion patrimoniale et touristique du site.

Cette nouvelle technique d'investigation peut, d'après elle, apporter un nouvel éclairage sur la conversion au christianisme dans le pays. "L'idée selon laquelle la Norvège est devenue chrétienne par le sang et le fil de l'épée en peu de temps relève peut-être plus d'un mythe que quoi que ce soit d'autre. Quantité d'éléments suggère qu'il y a eu un contact culturel bien avant la conversion au christianisme de la Norvège", a-t-elle ajouté.

L'historienne Sæbjørg Walaker Nordeide, de l’Université de Bergen, ne partage pas le même avis quant à la possibilité qu'offrirait la dendrochronologie de découvrir la façon dont la Norvège est devenue chrétienne. "La plupart des découvertes ne sont pas assez proches des événements les plus dramatiques de l'an 1000." Nordeide souligne néanmoins qu'il existe des preuves incontestables de signes précurseurs du christianisme dans certaines villes du pays.

Urnes Stave Church (UNESCO/NHK)

Les églises en bois debout de Norvège

De nos jours, il ne reste que 28 églises en bois debout (également appelées églises à piliers de bois ou stavkirke) sur le sol norvégien. Les spécialistes de la question estiment qu’il y a eu par le passé un tout petit moins de 2 000 'stavkirke' dans le pays.

Il existe plusieurs types d’églises en bois debout, ou stavkirke, mais elles ont toutes en commun des poteaux d’angle (stavers) et une charpente de bois avec des planches murales posées sur des pièces d’assise. Leurs murs ainsi construits sont connus sous le nom de murs en bois debout, d’où le nom d’église en bois debout. 

Les portes en bois et les faîtages des églises sont magnifiquement sculptés. Les décorations représentent une combinaison étonnante de motifs d’inspiration chrétienne et d’animaux et de dragons, souvent présumés être des motifs vikings de l’ère préchrétienne.

Parmi les églises en bois debout restantes, celle d'Urnes est réputée pour être la plus ancienne mais celle de Heddal, en Norvège de l'Est, est la plus grande. Elle mesure 26 mètres de haut, 20 mètres de long et 16 mètres de large.

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