Anthropologie - Les grandes familles vikings encourageaient le meurtre en Islande
- Le 10/10/2016
- Dans Sciences et Société
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Les assasins étaient plus susceptibles d'appartenir à de grands clans et ils choisissaient leurs victimes parmi les familles les plus vulnérables.
Parmi les premiers colons vikings de l'Islande, l'assassinat était avant tout une affaire de famille et de calcul. Plus la famille était grande, plus elle était sanguinaire.
Les données fournies par trois sagas couvrant six générations soutiennent l'idée selon laquelle les disparités entre les tailles des familles ont longtemps pesé sur le permis de tuer dans les sociétés à petite échelle. Ces récits épiques qui rapportent tout des naissances et des mariages comme des marchés conclus et des querelles se sont avérés une mine d'or pour les chercheurs.
Des meurtriers issus de familles nombreuses
Les meurtriers vikings islandais avaient en moyenne près de trois fois plus de parents biologiques et de beaux-parents que leurs victimes, affirment une équipe de chercheurs dirigée par le psychologue évolutionniste Robin Dunbar de l'Université d'Oxford. Les plus prolifiques, responsables de cinq meurtres ou plus, possédaient un atout majeur lorsqu'il étaient issus d'une famille nombreuse, d'après le rapport en ligne des scientifiques publié le 20 Septembre 2016 dans Evolution and Human Behavior.
Les chercheurs soutiennent que les assassins particulièrement prospères choisissaient leurs victimes avec soin, en sachant que leurs grandes familles dissuaderaient les représailles des plus petites anéantissant toute vélléité de venger leur défunt. Ils soupçonnent que ces meurtres étaient motivés par l'usurpation de terres. Les tueurs de l'époque avaient donc tendance à avoir des familles un peu plus grande que celles de leurs victimes; insultes ou provocations suffisaient pour déclencher un bain de sang.
De façon frappante, environ 18% de tous les hommes mentionnés dans les sagas ont été assassinés. De même, des taux d'homicides élevés, principalement en raison de cycles de vengeance meurtrière entre familles ennemies, ont été signalés chez certains groupes de chasseurs-cueilleurs et des sociétés villageoises. Les attaques mortelles entre groupes opposés peuvent remonter à 1000 ans ou plus.
Une histoire de proportion
Dunbar avance que le taux de meurtres augmentent en l'absence d'autorités centrales qui encadrent l'ordre social: "Le vrai problème n'est pas qu'il y avait tant de meurtres que cela parmi les Vikings islandais, mais que les meurtres ont été soigneusement calculés sur la base d'un avantage familial suffisant pour prendre ce risque."
Cette idée est à mettre en relation avec les formules mathématiques de force de combat développées pendant la Première Guerre mondiale par l'ingénieur britannique Frederick Lanchester. Une des équations de Lanchester calcule que l'avantage au combat d'un plus grand groupe sur un plus petit groupe croît de façon disproportionnée lorsque la disparité entre la taille des corps armés augmente. L'équipe de Dunbar conclut que cette règle vaut également pour les différences de taille des familles dans les sociétés à petite échelle, comme celle des Vikings islandais.
Les études sur la possibilité qu'un plus grand nombre de parentés encouragent les attaques meurtrières dans les sociétés préindustrielles comme celle des Vikings sont rares, selon le biologiste évolutionniste et politologue d'Oxford, Dominic Johnson, qui n'a pas participé à la nouvelle étude. Johnson a cependant examiné des témoignages suggérant que les humains, les chimpanzés et les prédateurs vivant en meute comme les loups ont évolué de façon à contrôler la taille des groupes et à lancer des attaques quand ils peuvent se liguer contre quelques adversaires.
66 individus responsables de 153 décès dans 3 sagas
Dunbar et ses collègues ont étudié trois sagas sur des familles islandaises couvrant des événements sur une période du Xème au XIIème siècle. Les premiers colons de l'Islande sont arrivés en provenance de Scandinavie et d'Europe du Nord à la fin du IXème siècle. Les sagas contiennent des informations sur les querelles et les meurtres qui se produisaient, impliquant 1020 personnes. Pour chaque personne mentionnée, les chercheurs ont identifié un réseau de relations biologiques et matrimoniales.
En vertu du droit nordique, un meutre entraînait une indemnisation des parents de la victime, soit avec une vengeance par assassinat, soit par une somme d'argent pour le sang versé. Les sagas islandaises décrivent largement l'importance de venger des parents assassinés pour sauver la face et prévenir de nouvelles attaques, quelle que soit la taille de la famille.
Dans les trois Sagas [Egil's Saga, Njal's Saga etLaxdæla Saga], un total de 66 individus sont responsables de 153 décès; deux attaquants ou plus ont parfois participé à la mise à mort d'un individu. Aucun tueur n'était biologiquement lié aux victimes (tels que des cousins ou de parenté plus proche), hormis une victime qui était la belle-soeur de son meurtrier. Plus de 2/3 des meurtriers environ avaient davantage de parents biologiques des deux côtés de leurs familles, et davantages de parents par alliance que leurs victimes.
Environ 45% de tous les meurtres sont le fait de 6 hommes, chacun tuant entre 5 et 19 personnes. 23 autres meurtriers ont tué 2 à 4 personnes. Les meurtriers restants ont tué 1 seule fois. En somme, les meurtriers récidivistes avaient beaucoup plus de relations sociales que leurs victimes, par le biais des parentés biologique et d'alliance, ce qui indique d'après les chercheurs que les membres des familles les plus vulnérables formaient une cible.
- Source: www.sciencenews.org (traduction et réécriture Kernelyd)
- Rapport à lire en ligne ou à télécharger: Family Counts: Deciding When to Murder Among the Icelandic Vikings
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