IDAVOLL

Suède - Un aperçu des prix à l'Âge Viking révélé par une inscription runique

L'inscription runique sur l'anneau de Forsa décrit le paiement d'une amende. Selon une nouvelle étude, elle constitue la première source documentée d'une transaction à l'Âge Viking et fournit de nouvelles connaissances sur le système monétaire et économique de cette époque.

Daté du IXème ou Xème siècle, l'anneau de Forsa (Forsaringen en suédois) est un anneau en fer mis au jour dans le Hälsingland, une province du centre de la Suède, dont une réplique est conservée à l'église de Forsa. Il servait probablement de poignée de porte et est considéré comme le plus ancien texte d'ordre juridique connu actuellement en Scandinavie.

L'inscription runique qui figure sur cet anneau décrit le paiment d'une amende dans le cadre d'une infraction. "L'inscription 'uksa...auk aura tua' était auparavant traduite par 'boeuf...et deux öres [unités de mesure en argent]' et a été interprétée comme un paiement à la fois en boeuf et en argent, ce qui suggère une transaction fastidieuse" écrit Rodney Edvinsson, professeur d'Histoire économique à l'Université de Stockholm, dans l'étude dont il est l'auteur.

Les résultats de ses travaux ont été publiés le 24 Juillet 2024 dans la revue Scandinavian Economic History Review.

 

Suède - Dessin à l'encre de l'anneau de Forsa et de son inscription runique - Photo: Lars Kennerstedt/ Office national du patrimoine suédoisDe l'étymologie du mot "auk"

Rodney Edvinsson propose une nouvelle interprétation de l'inscription sur l'anneau de Forsa fondée sur l'étymologie du mot "auk".

En vieux norrois, le connecteur "auk" représentait à l'origine l'adverbe conjonctif "aussi" ou "également", rapporte-t-il. Ce n'est que plus tard qu'il a évolué vers la conjonction additive "et', retenue par la précédente interprétation. Pourtant, précise-t-il encore, "même la conjonction additive pouvait parfois signifier 'ou' dans des contextes spécifiques".

Or en changeant la traduction par "aussi", le sens de l'inscription se trouve modifié de sorte que l'amende pouvait être payée soit avec un boeuf, soit avec deux öres.

"Cela révèle un système beaucoup plus flexible, dans lequel les boeufs et l'argent pouvaient être utilisés comme unités de paiement. Si une personne disposait plus facilement de boeufs que d'argent, elle pouvait payer son amende avec un boeuf. Inversement, si une personne avait de l'argent mais pas de boeufs, elle pouvait régler avec deux öres", détaille le professeur.

 

Davantage conforme aux anciennes lois

L'équivalence entre la valeur d'un boeuf et des ores fait apparaître "un double étalon monétaire, argent et non métallique", écrit l'auteur, si bien que le système de l'époque reconnaissait le bétail et l'argent non seulement comme des moyens d'échange mais aussi comme des unités de compte, avant même que la frappe de pièces ne commence.

Cette flexibilité des divers moyens de paiement permettait ainsi de réduire la complexité des transactions tout en facilitant le respect des obligations financières dans une économie qui n'avait pas encore convergé vers un moyen d'échange unique.

Il s'agit également d'une hypothèse qui correspond mieux à la manière dont le système -réglementé par des lois provinciales- a fonctionné ultérieurement en Scandinavie, et qui joue à présent, d'après Rodney Edvinsson, un rôle majeur dans la compréhension de l'histoire monétaire scandinave et européenne.

"En tant qu'historien de l'Économie, je m'efforce particulièrement de faire en sorte que les données historiques soient économiquement logiques, c'est-à-dire qu'elles s'intègrent dans d'autres systèmes économiques contemporains ou historiques. L'évaluation d'un boeuf à deux öres, soit 50 grammes d'argent, dans la Suède du Xème siècle ressemble aux évaluations de l'époque dans d'autres parties de l'Europe, ce qui indique un degré élevé d'intégration et d'échange entre différentes économies", explique le professeur. 

 

Un aperçu de l'indice historique des prix

Rodney Edvinsson a déjà contribué à l'élaboration d'un indice historique des prix à la consommation remontant au XIIIème siècle. Avec cette réinterprétation de l'inscription sur l'anneau de Forsa, il obtient désormais un aperçu encore plus ancien des niveaux de prix dans l'Histoire.

"L'indice des prix de l'argent à l'époque viking était bien inférieur à celui du début du XIVème siècle et de la fin du XVIème siècle, mais à peu près au même niveau qu'à la fin du XVème siècle et au XIIème siècle, époque à laquelle il y avait une pénurie d'argent", souligne-t-il.

Il insite notamment sur l'importance d'utiliser les théories économiques modernes pour interpréter les sources historiques. En combinant théorie économique et découvertes archéologiques, de nouvelles possibilités de recherche interdisciplinaire et une compréhension plus approfondie des premiers systèmes économiques se font jour. 

 

8700€ d'amende

Si un boeuf équivalait à 2 öres, soit environ 50 grammes d'argent, à l'époque viking, il faudrait aujourd'hui s'acquitter d'une somme d'environ 100000 couronnes suédoises (environ 8700€), en se basant sur la valeur d'une heure de travail. Autrement dit, le montant de l'amende inscrit sur l'anneau de Forsa était donc plutôt élevé.

Un öre équivalait probablement à environ 9 dirhams, une monnaie arabe qui circulait en grande quantité chez les anciens Scandinaves. Le prix courant pour un esclave était de 12 öres d'argent, soit de nos jours environ 600000 couronnes suédoises (près de 52300 €).

Le wergild pour un homme libre, c'est-à-dire l'amende payée à la famille de la personne assassinée afin d'éviter une vengeance sanglante, était beaucoup plus élevé: environ 5 kilos d'argent, soit environ 10 millions de couronnes suédoise à notre époque (environ 871000€).

La différence significative de valeur entre un esclave et un homme libre reflètait la dynamique de pouvoir entre les individus libres et les esclaves au sein d'une société esclavagiste.

 

viking archéologie Suède anneau Forsa économie monnaie runes

  • Aucune note. Soyez le premier à attribuer une note !

Ajouter un commentaire